Rencontre avec Mathilde DURAN, directrice de la Maison du Vélo de Toulouse

La quatrième édition des Rencontres AVELO s’est déroulée au Palais Consulaire de Toulouse le vendredi 11 avril 2025. Un événement réunissant près de 130 acteurs engagés en faveur du vélo au cœur de la ville Rose avec au programme : conférences, ateliers, convivialité et sortie à vélo. Lors de cette sortie, les différents participants ont eu l’occasion de s’arrêter à la Maison du vélo de Toulouse.
Mathilde Duran a accepté de répondre à nos questions et revient sur les défis rencontrés, l’évolution des pratiques, et l’importance de l’accompagnement humain pour faire du vélo une véritable alternative de mobilité. L’occasion de mettre en lumière les actions menées par cette association emblématique, au cœur de la dynamique cyclable toulousaine depuis 20 ans. Bonne lecture !

Bonjour Mathilde, vous êtes directrice de la Maison du Vélo de Toulouse, une structure qui a fêté ses 20 ans cette année. Quelle est aujourd’hui sa raison d’être ?

MD : Depuis sa création, la Maison du Vélo accompagne les déplacements à vélo. C’est notre ADN. Nous ne faisons pas de plaidoyer sur l’infrastructure, notre rôle est plutôt celui d’accompagner les personnes dans le changement de leurs pratiques de mobilité. Nous aidons à passer du « pourquoi pas » au « comment je fais concrètement ».

Nous avons trois lieux d’activité à Toulouse : notre site principal en face de la gare Matabiau. Atelier, café, espace pour louer des vélos. Un second espace orienté vers le tourisme et l’itinérance, et un troisième plus axé sur les ateliers et les services. L’une de nos actions emblématique (et historique) c’est de récupérer des vélos donnés que nous remettons en état pour les vendre ou donner. C’est un levier social fort et une manière concrète de rendre le vélo accessible.

Votre modèle économique a évolué. Comment parvenez-vous à équilibrer vos financements aujourd’hui ?

MD : Comme beaucoup d’associations, nos financements ont connu de fortes variations. Nous avons perdu 40 % de nos subventions en quelques années, c’est assez violent. En parallèle, nous avons diversifié l’ensemble de nos ressources : location de vélos non aidée, offres de vélo-tourisme, prestations aux entreprises. Nous sommes aussi un organisme de formation certifié. Nous formons par exemple des mécaniciens réemploi cycles ou des animateurs mobilité à vélo (avec des CQP à la clé).

Si autrefois nos financements étaient presque tous publics, aujourd’hui la part du privé est bien plus importante. Toulouse Métropole reste un partenaire majeur, en finançant des actions d’apprentissage du vélo, des fêtes sur l’espace public ou encore des ateliers participatifs. Aussi l’abondement pour être en mesure de proposer des tarifs sociaux pour la location longue durée, auprès de publics en situation de précarité.

Le Département de la Haute-Garonne nous soutient également, en particulier pour lever les freins à la mobilité des personnes en situation de précarité, notamment dans les quartiers prioritaires. Et la Région Occitanie nous confie des missions de prêt de vélos pour les lycéens et entre les gares. Ici, nous agissons en sous-traitants de l’entreprise Koboo.

Vous avez accueilli récemment quelques lauréats du programme AVELO lors de cette journée de Rencontres à Toulouse. Que retenez-vous de ces échanges ?

MD : C’était une très belle journée. Nous avons accueilli trois groupes pour des visites de nos lieux, en format court mais dense. C’était l’occasion de rappeler notre raison d’être, de montrer concrètement ce que veut dire « accompagner le changement » et d’échanger avec des chargés de projets vélo venus de toute la France.

Nombreuses, sont les collectivités s’impliquent dans le vélo et veulent le développer. Le programme AVELO est un excellent levier pour une mise en action. Sauf qu’entre l’envie (ou le besoin) de vélo et la réalisation d’un programme fort et cohérent, il y a un gap. Beaucoup d’EPCI lauréates, se retrouvent avec la question suivante : « Plus de vélo sur mon territoire, c’est bien, mais comment on s’y prend ? » Elles ont obtenu des financements, elles mettent en place des services vélo, mais elles réalisent vite que sans un travail d’accompagnement, ça ne prend pas. C’est là qu’on intervient.

Le dialogue avec les collectivités est d’ailleurs très apaisé et respectueux. Nous ne sommes pas sur le terrain du rapport de force, mais bien sur celui de l’expérimentation, de la transmission d’expérience et du plaisir de faire ensemble. Aussi, le positionnement de la Maison du Vélo de Toulouse est véritablement de créer une envie de vélo, amener une culture cyclable. Nous ne sommes pas sur les sujets (très souvent irritants) de l’infrastructure et de l’aménagement du territoire.

Justement, qu’est-ce qui fonctionne pour amener les citoyens à changer de comportement ?

MD : La conviction. Les arguments rationnels de l’efficacité ne font plus basculer grand monde. Dire qu’on va éviter les bouchons, qu’on va économiser du CO2, qu’on va avoir des artères magnifiques en pédalant, ça parle très peu. Ce qui fonctionne désormais, c’est de créer des expériences directes : promouvoir la joie, la liberté, la convivialité du vélo. C’est pourquoi nous développons beaucoup de programmes sans autre objectif que de « passer un bon moment à vélo ».

Nous avons par exemple créé ce programme, qui s’appelait avant « déambulations joyeuses », devenu Allons-Y A Vélo (AYAV). Nous proposons des moments sur les vélos : « Allons-y à vélo…  » Allons-y au boulot, en famille, découvrir et faire la fête… Mais allons-y à vélo ». Nous co-construisons ces événements avec des festivals ou des acteurs locaux, nous mettons en place des parkings vélos, parfois des promos. L’objectif est simple. Nous cherchons à créer des ponts entre toutes les sphères de la vie : le travail, la famille, la fête.

C’est un triptyque que nous avons baptisé Taf/Famille/Fête. Ce programme qui doit pouvoir être duplicable partout en France est financé à 100 % (financement du site internet et d’un équivalent Temps Plein) par l’ADEME. L’idée est simple : plus les gens vivent des moments positifs à vélo, plus ils l’intègrent dans leur quotidien. Même si ce financement n’est pas fléché par le programme AVELO 3, il reste une jolie démonstration que le financement du vélo doit être pluriel. Et qu’il répond à différents objectifs convergents.

Vous évoquez souvent la complexité du changement de comportement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

MD : Le changement de comportement, c’est extrêmement complexe et il n’existe pas une seule vérité. Ce qui fonctionne pour Michèle ne marchera pas pour Patrick, Ludivine ou Mourad. On doit multiplier les approches, tirer à tout va, tester, croiser les questions de genre, de catégories sociales, d’urbains, de périurbains

Je le dis souvent : le débat sur le report modal m’épuise ! Parce qu’il est à la fois trop global et pas assez précis. Oui, la part modale du vélo progresse, mais on ne regarde pas assez à qui il profite. Qui se met réellement en selle ? Ce sont encore plus souvent des hommes que des femmes, des CSP+ que des personnes précaires, des urbains que des habitants du périurbain, des personnes valides que des personnes en situation de handicap.

Au sein de la Maison du Vélo de Toulouse, on essaie de rendre le vélo accessible à tous. Par exemple, 50 % des locataires de nos vélos en location longue durée sont en situation de précarité. Et nous proposons des flottes de vélos adaptées : des vélos compacts, pliants, des VTC plus polyvalents, pour répondre à tous les usages, toutes les capacités. Et accompagner le changement, encore, d’un besoin de VAE vers une envie de vélo plus sportif !

Un dernier mot sur cette journée AVELO à Toulouse ?

MD : C’était une belle occasion de partager notre expérience. L’intérêt de ces Rencontres : transmettre, inspirer et créer du lien. Je dirais rassurer aussi. Chaque EPCI doit se sentir concernée par ses appels à projets pour développer plus de vélo sur son territoire. Et si sa candidature est retenue, il y a les compétences et les ressources disponibles pour mettre en œuvre et dérouler, sans mauvais jeu de mots.

_____________________________________

💡 L’initiative AYAV vous inspire ? retrouvez plus d’informations sur le site internet dédié juste ici.
🌐 Pour vous familiariser sur l’organisation de la Maison du Vélo à Toulouse, ses actions, sa vision, rendez-vous sur leur site internet. Et si vous ne trouvez pas, prenez rendez-vous directement avec Mathilde Duran, son enthousiasme et sa vision sont très communicatifs !
📅 Les Rencontres AVELO 2025 poursuivent leurs tournée ! Dernières places disponibles à Angers le jeudi 5 juin prochain et les inscriptions pour la dernière édition qui se déroulera à Caen le mardi 23 septembre sont ouvertes. Inscrivez-vous dès maintenant sur notre site : https://event.avelo.ademe.fr/